” Après avoir volé au secours du célèbre établissement de crédit USB en 2008 en signant un très gros chèque, la Confédération helvétique vient de gagner sur tous les tableaux:
- un établissement financier sauvé du naufrage grâce à une bad bank publique,
- une monnaie préservée
- et, au bout du compte, un gain financier pour le contribuable.
Trois ans après sa mise en place, la banque poubelle d’UBS, pudiquement baptisée StabFund, laisse espérer une plus-value potentielle pour les citoyens helvètes de 4 milliards de francs suisses (3,2 milliards d’euros) sur la foi des calculs réalisés par la Banque nationale suisse et le professeur d’économie genevois Cédric Tille. (…)
Dans la précipitation du sauvetage, les autorités suisses gardent leur sang-froid et préparent le coup d’après. Un modèle du genre, à mi-chemin entre le deal d’un grand banquier genevois et le contrat social du non moins Genevois Jean-Jacques Rousseau.
Une prise de participation rapidement rentable
La Suisse consent d’abord à prendre 10% du capital d’UBS pour apporter de l’argent frais. En pleine tourmente boursière, l’Etat s’introduit dans la banque à prix d’ami et revendra sa participation dix mois plus tard, avec 20% de gain à la clé.
Ensuite et surtout, la banque centrale de la confédération accepte, par l’entremise du StabFund, de racheter à UBS ses 40 milliards de dollars d’actifs toxiques. Mais en échange , ladite banque sauvée des eaux doit mettre une partie de son capital au pot de la bad bank. Les autorités suisses partagent ainsi le risque de mauvaise fortune avec UBS.
L’Etat privatise les pertes et nationalise les gains
Reste la partie la plus difficile à jouer pour la bad bank, à savoir la liquidation du portefeuille farci de crédits hypothécaires douteux, de produits dérivés abscons et d’étrangetés financières. (…)
” Nous avons racheté les actifs au prix le plus bas proposé par les différentes estimations, mais nous avons surtout obtenu que les premières pertes soient absorbées en priorité par la Banque UBS “, explique Vincent Crettol [ndlr: directeur adjoint du StabFund pour le compte de la très rigoureuse banque centrale]. Un coup de maître: comme la bad bank fait ses débuts dans un contexte financier déplorable, elle cède en 2009 ses piles de mauvais crédits avec des moins-values… absorbées par la participation d’UBS. Ensuite, à la faveur d’une accalmie sur les marchés, le StabFund vend plus cher et engrange des gains (1,7 milliard de dollars en 2010)… pour le compte cette fois de la Banque nationale suisse en priorité. Au pays du grand capital, l’Etat privatise donc les pertes et nationalise les gains. (…)
” Les politiques helvétiques se montrèrent inflexibles avec leurs banquiers au début du montage, puis les laissèrent tranquilles pour liquider les actifs. (…)
Un portefeuille public géré par des traders
En effet, propriété officielle de la Banque nationale suisse, le portefeuille de la bad bank n’est pas entre les mains de quelques hauts fonctionnaires fédéraux, mais dans celles des traders d’UBS à New-York. Ironie de l’histoire, les imprudents concepteurs de ces portefeuilles nauséabonds doivent aujourd’hui patauger dans les remugles pour les liquider. (…) ” C’est une question de logique. Après tout, ce sont eux qui connaissent le mieux leurs produits “, explique Vincent Crettol. Pour donner à ces “traders publics” du coeur à l’ouvrage, il serait prévu de leur verser des bonus indexés sur leurs performances soit, sur la réparation de leur propre erreur. “
1,4 plus values + 0,9 d’intérêts + 2,2 valorisation = 4,5 milliards de dollars